Dixit Fanny Agopian


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Le 6 août 2019, le site des Nouvelles d’Arménie publiait un communiqué du « secrétariat » de la Congrégation des Pères Mekhitaristes, qui éclaire d’un jour nouveau l’affaire du Collège Samuel Moorat. Un jour nouveau, avec beaucoup de zones d’ombre. Ainsi par exemple…

L’argument qui justifie la destruction de deux bâtiments sur quatre sur le site du Collège et la construction de 150 à 170 logements sur ce site historique est que les loyers versés, d’environ 200 000 € par an, serviront à financer la vie culturelle du Château. Citons le communiqué : « la perception pendant 60 années de loyers nécessaires à l’entretien et au fonctionnement des lieux historiques (bibliothèque, salles de réceptions, centre de recherche, théâtre de 200 places, parking sous terrain dédié, etc.), permettant ainsi l’autofinancement total du projet. » Autofinancement total ? Tiens donc ! Faisons un petit calcul.

Pour qu’il y ait centre de recherches, il faut un directeur de centre de recherches. Payons-le (modestement) 2500 € par mois. Pour qu’il y ait bibliothèque, il faut un bibliothécaire. Payons-le (modestement) 2500 € par mois. Pour gérer le site au quotidien, accueillir les visiteurs, gérer l’administratif, il faut une secrétaire-assistante, payé (modestement) 2000 € par mois, et pour la surveillance, l’entretien et la logistique, un gardien à 1500 € par mois. La masse salariale totale de ces employés s’élèvera ainsi à 174 432 €. Reste 25 578 € pour payer l’assurance du château et du théâtre, disons 15 000 €/an, le chauffage, environ 15 000 €/an… Arrêtons-nous là, car le budget est déjà dans le rouge. Ces 200 000 € de loyer ne permettront de payer ni l’électricité, ni l’eau, ni les taxes foncières, ni rien du tout. Encore moins des livres pour le bibliothécaire et des publications pour le centre de recherche. Prétendre donc que l’on se livre à une opération immobilière qui brade la moitié du terrain d’un site historique au prétexte d’héberger des activités culturelles autofinancées est une pure contrevérité. Ou bien l’instigateur de cette affaire nous trompe ou bien il ne sait pas calculer.

Autre manipulation des faits : le communiqué prétend que les promoteurs vont financer « la rénovation des bâtiments historiques de 2500 m² afin d’y accueillir des activités culturelles de la communauté arménienne. » Là encore, l’inspirateur de l’article ferait bien de s’acheter une calculette. Il n’y a sur le site qu’un seul bâtiment historique, le Château. Il mesure environ 35 mètres de long sur 14 mètres de large, soit 490 m² au sol. Disons 500 m². Le château ayant trois niveaux, la surface totale est donc de 1500 m² et non de 2500 m². Alors pourquoi rajouter ici 1 000 m² imaginaires ? Hé bien pour faire croire au lecteur que le promoteur qui rénove est très généreux et que le Château peut accueillir une multitude d’activités culturelles, alors qu’il ne le peut pas. La majorité des pièces étant de petites tailles et donc impropres à ces activités, il fallait bien en rajouter un peu. Jésus-Christ multipliait les pains, le Délégué Pontifical, à l’origine de cette affaire, multiplie les mètres carré.

Autre manipulation de la réalité. Le communiqué prétend que le projet garanti « la jouissance à la congrégation de 80% de l’espace ainsi que de 100% des bâtiments historiques et séparant bien les entrées de personnes et de véhicules. » C’est hélas faux. Les logements construits sur le plateau vont effectivement occuper 20% des 11 561 m² du site. Mais pour y accéder, il faut des voies carrossables. Partant de la rue Troyon jusqu’au plateau, le terrain cédé au constructeur pour la voirie couvrira environ 30% de la surface totale. Ainsi le constructeur disposera de 20% pour les logements et de 30% pour la voirie, soit 50%. Pourquoi jouer ainsi sur les chiffres ? Pour faire croire, évidemment, que la Congrégation récolte un pactole grâce à la cession d’une petite part de terrain, alors qu’en fait, il cède la moitié de la propriété pour des clopinettes et ce pendant 60 ans.

Enfin pour finir, quid des commissions versées aux « assistants » du Légat Pontifical ? Le communiqué nous dit « Les potentielles rémunérations relatives à la mise en place de ce projet sont conformes aux usages du secteur immobilier français, et seront prises en charge par les promoteurs immobiliers et non par la congrégation. » On remarquera d’abord que l’on se garde bien de nous indiquer le montant de ces commissions. Mais les « assistants » du Légat Pontifical ont eux-mêmes avancés un chiffre, 2 millions d’euros. Prenons-le comme tel.

Deux millions d’euros représentent dix ans de loyer. Il est vrai que c’est le constructeur qui les paiera aux conseillers du Légat Pontifical, mais, pour le constructeur, ces commissions font partie du coût global de l’opération. Ces 2 millions d’euros données aux conseillers sont autant d’argent que le constructeur ne donne pas à la Congrégation. Ce qui est un bénéfice pour les assistants du Légat est donc un manque à gagner pour les Pères Mekhitaristes. Donc, in fine, ce sont les Pères Mekhitaristes qui paient ces 2 millions d’euros aux conseillers. Dix ans de loyer, joli cadeau.

Arrêtons-nous là, car la liste des manipulations de faits est trop longue et les démasquer toutes deviendrait vite fastidieux. Mais retenons la promesse du communiqué : « Nous ne manquerons pas de répondre à toute demande d’information ». Hé bien, chiche !

Voici une liste d’information dont les NAM souhaiteraient disposer pour faire des comptes-rendus exacts et objectifs à ses lecteurs :
• Les dernières offres de Bouygues et Nexity avec les plans correspondants, et les sommes proposées comme loyer ;
• Le contrat qui lie le Légat du Pape à ses conseillers avec un descriptif précis des actions et des temps passés à les accomplir justifiant le montant de leurs commissions ;
• Le plan prévisionnel des dépenses du futur centre culturel « autofinancé » (personnel, assurances, taxes, chauffage, électricité, eau, sécurité, etc) pour évaluer la viabilité culturelle du projet Pontifical.
Dans un article précédent, nous avons rapporté que l’élection du représentant du Pape François comme président de l’Association du Collège Samuel Moorat était, selon certains, pour le moins discutable. Dans le cadre de la transparence voulu par le Délégué Pontifical, nous souhaiterions disposer de :
• Les documents officiels déposés en préfecture attestant que le Légat Pontifical a bien été coopté comme membre selon les règles des statuts et a été régulièrement élu président par des membres dûment enregistrés ;
• Les documents officiels déposés en préfecture attestant que représentant du Pontife a bien reçu les pleins pouvoirs pour la disposition des biens immobiliers dans les règles statutaires de l’Association ;
• Enfin, le communiqué affirme que le Légat Pontifical a rédigé plus de 15 articles scientifiques sur le Génocide des Arméniens et sur la création « d’un centre de recherche sur les crimes contre l’Humanité. Les archives fournies de correspondance de Monseigneur sur ce sujet ne laissent aucun doute sur l’exploration sérieuse de cette piste qui n’a pas aboutie non plus. » N’ayant jamais eu vent de telles publications, ni sur l’exploration d’une telle piste, nous souhaitons recevoir ces articles témoignant de l’action militante du Légat papal pour un tel centre de recherche, afin d’en publier les meilleurs extraits.
Persuadés que le représentant personnel et plénipotentiaire du Pape François ne manquera pas de répondre à toute demande d’information comme le propose le communiqué, nous espérons vivement recevoir celles demandées dans les plus brefs délais pour la plus grande édification de nos lecteurs et une plus grande sérénité du débat.

Tout ceci, afin que, comme on dit au Vatican, Fiat Lux ! Que la Lumière soit !

Fanny Agopian

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